Mais au fait : rêver ça sert à quoi ? Vous l’êtes-vous déjà demandé ? À cette question les réponses diffèrent en fonction de l’époque et du lieu géographique des rêveurs et des rêveuses.
La vision des rêves d’un aborigène d’Australie, d’un psychanalyste du XIXe siècle ou d’un neuro scientifique du XXIe siècle va être très différente…
Un regard spirituel : la fonction du rêve vue par les Aborigènes d’Australie
Le concept central dans la spiritualité des Aborigènes d’Australie lié aux « rêves » est le Temps du Rêve.
Il ne s’agit pas seulement des rêves personnels que l’on fait en dormant au sens occidental, mais d’une cosmologie complexe :
» Le Temps du Rêve » est l’époque où les Êtres Ancestraux (ou Ancêtres Rêveurs), souvent des esprits ayant une forme animale (comme le grand serpent arc en ciel), ont voyagé sur la terre, créant le paysage (montagnes, rivières, rochers, etc.), les êtres vivants (animaux, plantes, humains) et établissant les lois, les rituels et les traditions.
Cependant, »le Temps du Rêve » n’est pas vu comme un temps révolu, mais comme une réalité continue qui lie le passé, le présent et le futur. L’énergie et l’esprit des Ancêtres sont toujours présents dans le paysage (sites sacrés, formations rocheuses) et dans la vie des Aborigènes.
Les histoires et les récits du « Temps du Rêve » constituent la loi, le code moral et les règles de conduite, y compris les liens avec la terre et les obligations sociales. Elles donnent aux Aborigènes leur identité et leur place dans le monde.
Quant aux rêves personnels (ceux que l’on fait en dormant), ils sont souvent considérés comme un moyen de communiquer avec les Ancêtres ou les esprits ; mais aussi de déchiffrer des présages de bonne ou de mauvaise fortune..
Ils sont considérés comme une source de connaissances et de connexion avec les ancêtres. Les aborigènes utilisent les récits oniriques pour transmettre des savoirs .des lois, des chansons ,des rituels, des peintures….
Leurs rêves influencent leur vie quotidienne leurs décisions et leur harmonie avec la nature
Pour les Aborigènes, le « rêve » (au sens large du Temps du Rêve) est le fondement de leur monde, de leur culture et de leur loi, un état spirituel et temporel englobant tout.
Les aborigènes ne semblent pas se demander « pourquoi les rêves ? », car ils font partie de leur vie, et sont indispensables à leur vie matérielle et spirituelle…
Pourquoi les rêves ? Une approche psychanalytique.
La vision du rêve par le fondateur de la psychanalyse est très différente . Mais alors, pour Freud : rêver ça sert à quoi ?
L’interprétation des rêves est la pierre angulaire de la psychanalyse. Pour lui, le rêve est la « voie royale » vers l’inconscient.
Le rêve est une opération psychique propre au rêveur.
Freud pense qu’il a une signification, qu’il est interprétable voire qu’il a une fonction biologique.
Freud a introduit une distinction cruciale pour l’analyse des rêves , il distingue:
Le Contenu Manifeste : C’est le récit du rêve tel que le rêveur s’en souvient. Il est souvent bizarre, incohérent ou absurde. C’est la version censurée du rêve.
Le Contenu Latent : Ce sont les pensées inconscientes et les désirs refoulés qui sont à l’origine du rêve. C’est la véritable signification du rêves
Pour que les désirs inconscients (Contenu Latent) puissent s’exprimer sans provoquer le réveil (c’est-à-dire sans alerter la censure psychique), ils doivent être déguisés. C’est ce processus de déguisement que Freud nomme le Travail du Rêve.
L’analyste va aider le patient à faire le travail inverse du » travail du rêve » c’est l’interprétation du rêve.
Le but de l’analyse est de remonter du Contenu Manifeste (le récit) au Contenu Latent (le désir refoulé) en inversant le Travail du Rêve. Pour cela, Freud utilise la technique de l’association libre, demandant au patient de dire tout ce qui lui vient à l’esprit à propos de chaque élément du rêve.
Les analyses du rêve font apparaître des pensées surprenantes voire désagréables pour le rêveur. Ceci est le signe du refoulement. Le rêve déforme et dissimule ce qui pourrait être désagréable pour le conscient.
L’interprétation du rêve oblige le rêveur à admettre ses pensées refoulées, à faire le lien avec ses symptômes pathologiques, il échangera les symptômes contre les idées refoulées (guérison).
Pour Freud le rêve est donc l’accomplissement d’un désir refoulé.
Le rêve : approche neurobiologique
Michel Jouvet (1925-2017) est une figure majeure de la neurobiologie, considéré comme le pionnier de l’étude scientifique du sommeil et des rêves.. C’est lui qui caractérise et découvre, dans les années 1950-1960, la phase de sommeil qu’il nomme le sommeil paradoxal.
Il peut mieux caractériser le sommeil grâce à l’utilisation de l’électro encéphalogramme qui enregistre les ondes cérébrales.
Il observe que le sommeil est divisée principalement en deux phases le sommeil lent avec des ondes lentes et synchronisées et le sommeil paradoxal qui sera caractérisé par :
– une activité cérébrale intense similaire à celle de l’éveil .
– et paradoxalement, une atonie musculaire quasi totale qui paralyse des muscles du corps à l’exception de ceux des yeux et du diaphragme.
Jouvet a établi que c’est durant cette phase que les rêves les plus intenses, longs et structurés se produisent.
Toute sa vie il a essayé de répondre à la question pourquoi rêve-t-on ? Il a proposé la théorie de la « Programmation Génétique » : selon lui, la fonction biologique essentielle du sommeil paradoxal (et donc du rêve) serait de maintenir et d’actualiser les programmes génétiques de l’individu, en particulier dans les centres de la survie et de l’instinct. Le sommeil paradoxal et donc le rêve permettrait la mise en place des circuits neuronaux qui jouent un rôle fondamental dans la maturation des structures cérébrales.
Il a démontré en étudiant les animaux que le sommeil paradoxal et donc le rêve est crucial pour l’apprentissage et la mémorisation.
Plus que ça , il fait l’hypothèse que le rêve permettrait au cerveau de rejouer et de consolider des comportements fondamentaux, assurant ainsi la permanence de la personnalité et de l’identité biologique.
Alors….à quoi servent les rêves ?
– Source de connaissances et réponses à nos questions existentielles?
– A l’accomplissement de nos désirs refoulé ?
– Ou bien en favorisant l’apprentissage et la mémorisation, assurer la permanence de notre identité biologique?
On voit que ces approches très différentes ne sont pas forcément contradictoires . Et à travers le temps et l’espace bien d’autres auteurs et bien d’autres civilisations ont donné des réponses différentes pour expliquer la fonction du rêve.
De tous temps l’humanité a été traversée de part en part par la question du rêve, autour de laquelle demeure un mystère jusqu’à aujourd’hui.