Préalable minimum à l’exercice de la psychothérapie relationnelle

Le monde de l’accompagnement psychothérapeutique, évolue rapidement et a fait preuve de beaucoup de créativité ces dernières dizaines d’années. C’est pourquoi j’estime nécessaire de préciser un certain nombre de notions sur lesquelles je me base, et qui pourraient sembler évidentes ; mais si elles sont assez largement reconnues, elles ne sont cependant pas partagées par toutes les écoles.

L’état de l’inconscient du praticien.

C’est son premier et principal outil, il va sans dire que tout praticien doit avoir bénéficié d’une thérapie suffisamment avancée et ne pas hésiter à reprendre des tranches de thérapie si nécessaire. Un praticien doit être capable d’accueillir le patient avec bienveillance et sans jugement, (et de refuser éventuellement un patient pour lequel il ne se sentirait pas capable d’agir avec compréhension). De plus si notre appareil émotionnel n’est pas capable d’entendre le fond de la problématique émotionnelle (assez souvent violente) du patient, alors nous ne pourrons pas l’accompagner au bout de cette problématique.

Le cadre

Le cadre réel mis à la thérapie va être un élément important de sécurisation du patient et qui va permettre à la cure de se développer. Durée, régularité, fréquence des séances, leur tarif, les conséquences d’un manquement à un rendez vous, les conditions de la fin de la cure doivent être clairement énoncées par le thérapeute et bien comprises par le patient. Les transgressions au cadre devront être travaillées en séance, afin d’éclairer d’éventuelles résistances.

La relation patient thérapeute

Les émotions que le patient éprouve envers le praticien (que nous nommerons transfert au sens large) sont un levier puissant, qu’elles soient positives ou négatives. Elles sont souvent des projections de figures parentales (réactivation d’un mode émotionnel archaïque) mais elles peuvent aussi être justifiées par l’attitude consciente ou inconsciente du praticien. Il est très important de pouvoir faire la différence.

Les émotions et sentiments que le praticien éprouve envers son patient (que nous nommerons contre transfert au sens large) sont très importantes à analyser et comprendre, c’est en partie le rôle de la supervision d’aider à cette élucidation. Ce contre transfert est-il dû à ce que le patient cherche à activer en nous, ou à nos propres projections non encore élucidées ? Faire la part des choses et avoir la conscience de ce qui se joue fait partie intégrante du travail thérapeutique.

La position du praticien.

Une asymétrie relationnelle est évidente : je dirais que le praticien est dans une position à la fois parentale et pédagogique : un parent, un pédagogue bienveillant mais non pas tout puissant (ce que le patient a tendance à imaginer au début) mais faillible et sachant reconnaître ses erreurs.

Non violence

Afin que le patient se sente en sécurité et que ses capacités de résilience puissent être activées il est important d’être très attentif à ne pas lui faire violence. Le lieu de la thérapie étant protecteur, la personne abaisse ses défenses et devient très vulnérable, ce dont le praticien doit avoir pleinement conscience. La thérapie, peut frustrer, elle doit déranger mais elle ne doit pas faire violence sous peine de voir les résistances augmenter.

Les résistances, si elles doivent être nommées, doivent être respectées et non forcées, le rythme de prise de conscience est propre à chaque personne. Les résistances ont une fonction de protection qui n’est pas à négliger.

Toute méthode quelque soit sa technique doit me semble t-il respecter ces préalables si elle veut avoir une efficacité durable. Mais que voulons nous faire et que faisons nous exactement ?

Le travail thérapeutique

Mon parcours atypique, mon expérience de médecin m’ont amené à me forger petit à petit un outil théorique qui a été opérant durant toutes ces années . Formulé dans un langage simple, qui peut paraître simpliste à certains, il est cependant efficace et je n’hésite pas à expliquer aux patients toutes ces notions quand le besoin s’en fait sentir : la raison a besoin d’être nourrie, pour que la conscience soit rassurée et laisse l’inconscient faire son travail.

Sur quelle partie de la psyché travaillons nous ?

Nous travaillons essentiellement sur le système émotionnel du patient, le traumatisme ou son équivalent ayant provoqué une fixation. En effet, le souvenir d’un traumatisme n’est pas traité comme un souvenir normal. Mais il est fractionné, dissocié, oublié en tout ou partie, et les émotions qui l’accompagnaient ne trouvent leur place naturelle dans la mémoire épisodique . Ils restent liés essentiellement au système émotionnel et on note toujours des phénomènes plus ou moins importants d’amnésie. Les traces conscientes ou inconscientes de ces souvenirs parasitent le présent . Les émotions soulevées empêchent une bonne adaptation à la réalité . Les causes et mécanismes du dérèglement émotionnel et la définition du traumatisme, selon ma conception, sont abordés plus en détail dans le texte de ma conférence : « rêves symboles et guérison ».

Quelles sont les forces en présence ?

Deux forces antagonistes sont en présence :

– le désir de changement du consultant , qui est manifesté par le fait même de sa présence dans le cabinet du praticien. Ce désir va prendre appui sur la confiance que nous pouvons avoir dans ses capacités de résilience.

-les résistances qui sont des protections de la psyché, hostiles par principe au changement, à l’inconnu. La psyché, mise à mal a mis en place des systèmes de défense : le refoulement, le déni, la sublimation. etc ….L’inconscient va mettre du temps à comprendre que ces défenses sont obsolètes et qu’un autre fonctionnement est possible.

Il faudra du temps pour gagner la confiance du patient, afin que les résistances s’abaissent d’elles même et que l’inconscient puisse faire son travail de remise en mouvement et de réparation..

Comment obtenir cette transformation ?

En laissant le plus possible parler l’inconscient du patient et en se contentant d’essayer de traduire, afin que la prise de conscience puisse advenir.

L’inconscient du patent doit pouvoir d’exprimer librement et à son rythme, c’est pourquoi j’ai abandonné un certain nombre de méthodes qui laissaient trop de pouvoir au thérapeute selon moi (hypnose, EMDR, sophrologie, constellations familiales, certaines techniques gestaltistes…)

J’ai gardé principalement la lecture des rêves , le rêve éveillé non dirigé, l’art thérapie, la transe danse thérapie.

Là, en état de conscience modifiée (la raison peut être présente, mais elle est laissée de côté) le sujet peut laisser faire et l’inconscient peut s’exprimer à son rythme, en présence de l’inconscient bienveillant du thérapeute et parfois également du groupe.

Qu’observe-on alors ?

– l’inconscient va présenter le problème (le dysfonctionnement lié au traumatisme) , le plus souvent sous forme symbolique, ce qui va permettre une distance et donc un certain confort.

– il va aussi spontanément trouver la réparation (pas la solution proposée par le thérapeute , mais la sienne) qui sera mise en valeur par le praticien afin d’encourager le sujet.

Cela peut paraître simple, cela peut l’être, mais les aléas du processus , soumis aux vicissitudes du transfert et du contre transfert sont bien réels et ne doivent pas être sous-estimés.

Tout l’art du praticien consiste à faire confiance à la personne et en ses propres capacités de transformation, afin qu’elle arrive à laisser son inconscient accomplir le travail , et ce n’est pas si simple…..

Quel résultat espérer ?

L’appareil émotionnel du patient sera petit à petit mieux adapté aux aléas du présent, les émotions seront plus justes et moins dépendantes des traumatismes anciens.

Ce travail de transformation de « réglage émotionnel », fonctionne (quand la cure se déroule correctement) et permet d’augmenter les capacités de résilience du patient qui pourra affronter avec plus de conscience et de force les épreuves que la vie ne manquera pas de lui amener.

Effacer toutes traces du passé n’est pas le but , mais ces traces seront acceptées et ne seront plus un handicap permanent.

Après que le gros du travail thérapeutique soit accompli (le patient a retrouvé un certain confort , voire une certaine joie de vivre) certaines personnes désirent continuer à pratiquer ces méthodes : interprétation des rêves, art thérapie , rêve éveillé libre, transe danse. Mon expérience montre que cela continue d’être bénéfique en permettant une prévention des désordres émotionnels qui pourraient être provoqués par une situation stressante et en augmentant les capacités de créativité du sujet .

Tout se passe comme si les programme de remise en ordre biologique de la machinerie humaine étaient gravés en nous (comme peut le constater un médecin bien souvent) et qu’il faut aider le sujet à l’activer lui faire confiance afin de retrouver un équilibre dynamique que l’on peut aussi nommer : santé .