Cette pratique est assez méconnue , mais elle fut pourtant très répandue dans le monde antique pendant près d’un millénaire ( du V°s av JC au IV°après ) .

Les “rêves d’incubation”, étaient réalisés au cours d’un séjour et d’un sommeil accompli au sanctuaire d’une divinité guérisseuse.

Dans trois à quatre cent temples répartis dans tout le bassin méditerranéen, on pratiquait la guérison par l’incubation des rêves. Le temple le plus célèbre se trouvait en Grèce à Epidaure, c’était celui du dieu de la médecine Asclépios.

RECEVOIR LA PAROLE DE LA DIVINITÉ POUR GUÉRIR

Ces rituels prenaient leurs origines dans des coutumes anciennes pratiquées du temps de la déesse mère. On allait alors se coucher à même le sol dans des cimetières ou des tombeaux pour être au contact des morts et l’on demandait un rêve de guérison ou une prophétie.

Les temples d’Asclépios étaient du reste souvent construits sur d’anciens temples dédiés à des divinités féminines.

Beaucoup étaient dédiés à Apollon, le dieu des arts et du soleil.

On y pratiquait une sorte de médecine globale : la pratique des arts, l’utilisation de ce qu’il faut bien appeler avant la lettre une médecine thermale et l’incubation des rêves. Le tout dans des sites d’une beauté apaisante.

Les gens y venaient pour rêver et y restaient tant que la guérison n’était pas arrivée. Cela pouvait durer une nuit, un mois ou un an. Ils avaient parfois une réponse immédiate sous forme le plus souvent d’apparition du dieu et de prescription des remèdes, ou ils devaient attendre la réponse beaucoup plus longtemps. Il est à noter que souvent les prêtres n’interprétaient pas les rêves mais se contentaient de les noter.

ON DORMAIT À MÊME LE SOL

Le sommeil était précédé de rituels de purification et d’offrandes. On dormait comme jadis, directement au contact du sol dans des petites grottes aménagées le plus souvent équipées d’une fontaine ( abaton) . Des serpents, symbole du dieu de la médecine, rampaient sur le sol.

Or, ces rêves effectués dans ces conditions ont ceci de remarquable qu’outre l’efficacité thérapeutique que les Anciens leur attribuent, ils font parfois l’objet de récits dont certains furent inscrits sur la pierre pour être vus de tous .

UNE COUTUME TRÈS BIEN DOCUMENTÉE

Cette documentation s’étend, pour l’essentiel, du IVe siècle av. J.-C. à l’époque impériale (IIe-IIIe s. ap. J.-C.).

Voici quelques exemples parlants, la traduction littérale de ces inscriptions :

* Arata, lacédémonienne hydropique (souffrant de rétention d’eau pathologique).

Pour elle, tandis qu’elle était restée à Lacédémone, sa mère fit l’incubation et vit un rêve. Il lui sembla que le dieu coupa la tête de sa fille et suspendit son corps le cou en bas ; il en sortit une grande quantité de matière fluide ; puis ayant détaché le corps, il ajusta à nouveau la tête sur le cou. Après qu’elle a vu ce rêve, elle revint à Lacédémone, où elle trouva sa fille guérie ; elle avait vu le même rêve.

Sous un rocher, l’enfant Aristocritos d’Halieis.

Celui-ci, étant sorti nager dans la mer puis ensuite ayant plongé, il rejoignit un endroit sec encerclé de rochers et il ne put trouver aucune voie de sortie. Après cela, son père, comme il ne le trouva nulle part dans sa recherche, vint auprès d’Asklépios et fit l’incubation dans l’abaton au sujet de son fils et vit un rêve. Il lui sembla que le dieu le conduisait à un certain endroit et lui montra que son fils s’y trouvait. Quand il sortit de l’abaton, il tailla dans la falaise et il trouva son fils après sept jours.

Dans certaines des prescriptions, le dieu ordonne au malade tout d’abord de se mettre au contact d’un objet chargé de sacré (autel, animal sacrifié) ou d’accomplir un rite (prosternation, sacrifice), puis d’opérer un mélange de l’élément sacré avec un ou deux éléments d’une pharmacopée rudimentaire (par exemple, mélange de la cendre de l’autel avec du vin et application sur le flanc pour le pleurétique).

LE CHRISTIANISME VA BOULEVERSER LE RAPPORT AU RÊVE.

Ces pratiques étaient très bien acceptées par les autorités , du moment qu’elles ne s’opposaient pas à la religion officielle.

Chaque empire, chaque culture avait ses propres dieux. La religion est à cette époque un instrument qui accompagne et influence le pouvoir.

Les religions officielles sont très tolérantes, elles acceptent et respectent les nombreux dieux étrangers et intègrent facilement d’autres pratiques, pourvu qu’elles ne s’opposent pas au pouvoir en place.

Il est à noter que la coutume de l’incubation des rêves persistait encore en occident aux premiers temps du christianisme et se pratiquait dans les églises, c’étaient les saints qui étaient alors invoqués.

Mais l’église devient religion officielle dès le quatrième siècle. Et le rapport au rêve va alors changer rapidement . Déjà en 314 un concile interdit la pratique de l’oniromancie, interdiction reconduite au concile de Paris au IX° s.  « Si un prêtre prête attention aux augures, aux divinations, aux rêves, qu’il soit expulsé du clergé, si c’est un laïc, qu’il fasse pénitence pendant cinq ans ».

C’est ainsi que cette pratique disparu progressivement en occident .

Difficile pour les bons chrétiens d’avoir accès à leurs propres rêves et à leur signification.

Cette attitude sera constante dans la hiérarchie ecclésiastique. Contrairement aux autres religions, l ‘Eglise n’intègre pas le rêve ni les pratiques de transe dans ses rituels.

Elle se contente de décider si un rêve est diabolique (la plupart des rêves) ou envoyé par Dieu (en général les rêves donnés aux saints, aux hommes d’église et aux rois).

* https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2007-1-page-45.htm